Situé au nord de la commune entre la Cour d’Huberville, les Hameaux Clémence et Dodeman, il s’agit la dernière structure de production chaufournière encore en élévation sur le territoire communal.
Classé parmi les fours de taille moyenne (photo 1), il s’agit de l’un des rares exemplaires de ce type recensés dans le secteur du bocage Valognais et semble posséder des capacités de production suffisantes pour le commerce de la chaux à l’échelle locale.
Le dépouillement des archives municipales n’a pas permis de retracer son histoire, ni d’identifier son ou ses propriétaires. Toutefois, des initiales gravées sur le chainage d’angle de l’accès latéral oriental (photo 2), offre une première piste de recherche qui sera conduite aux Archives départementales de la Manche pour tenter de connaitre la date de création, d’identifier le propriétaire ou le constructeur, et de compiler toutes les informations disponibles et utiles a propos de cette unité de production.
Bien que se présentant dans un état de conservation globalement correct, l’envahissement de la végétation constituait à terme une menace sérieuse d’atteinte à l’intégrité des maçonneries et à la stabilité générale de l’édifice.
L’obturation partielle de l’accès principal (végétation et sédimentation) favorise la rétention des eaux de ruissellement aux niveaux des fondations périmétriques (photo 3).
La récupération ancienne des linteaux en pierre au niveau des accès latéraux a provoqué l’effondrement des maçonneries et des plaques de couverture que la végétation a fini de desceller (photos 4 et 5). A ce stade, cet édifice est clairement menacé de ruine.
Afin de sauvegarder le monument, l’association a programmée depuis 2015 une intervention se déclinant en quatre phases :
Phase 1 : débroussaillage et coupe des arbres poussant sur les maçonneries (réalisée) ;
Phase 2 : suppression des souches dans les maçonneries et premiers travaux de consolidation temporaires des maçonneries les plus dégradées (réalisée) ;
Phase 3 : dégagement des accès et de l’intérieur de la chambre de combustion et études architecturale, archéologique, technique et archivistique de l’édifice (réalisée pour partie/en cours) ;
Phase 4 : restauration des maçonneries et de l’environnement (en cours).
Sur un plan topographique, ce four a été implanté au niveau de la rupture de pente marquant la transition entre le plateau septentrional qui s’étend depuis la haute vallée du Merderet (sources du Merderet et du Ruisseau de la Coëffe) et les plaines humides d’un ruisseau, non référencé du point de vue toponymique, que l’on dénomme ruisseau de la Cour en référence au lieu-dit où il prend sa source. Sur ce cours d’eau, une série de petites écluses segmente l’écoulement et certaines d’entre elles ont pu servir à la gestion des ressources en eau nécessaires et suffisantes dans le cadre de cette activité chaufournière, notamment pour l’extinction de la chaux.
Littéralement encastré dans la pente, les constructeurs ont cherché à tirer parti de cette topographie (rupture de pente) pour assurer la stabilité et la contention de l’édifice lors des épisodes de chauffe, longs et répétés, qui devaient entrainer des dilatations importantes de la structure, mais aussi pour économiser de la maçonnerie en réduisant ainsi le nombre de contreforts.
La structure est composée d’une grande façade maçonnée (schéma 1 – larg. 6,50 m et haut. 4,65 m) disposant au centre (photo 6) d’une entrée en tunnel (larg. 1,95 m et haut. 2,30 m). De part et d’autre de cette entrée, des murets soutiennent les talus qui viennent encercler le pied de la façade jusqu’aux piédroits de l’entrée. Celle-ci est construite avec une voute en berceau (photo 7) débouchant au fond sur une trappe technique (chauffe et aération) qui ouvre sous la sole de la chambre de réduction.
La chambre de réduction (schéma 2) est de forme cylindrique (diam. moy. 2,45 m et haut. 4,50 m) et placée au centre de l’édifice en arrière à 2 m de distance de la façade.
Au sommet de la rupture de pente, à mi-hauteur de la chambre de réduction ont été placés les deux accès latéraux en entonnoir (schéma 3) au fond desquelles sont disposées les portes de déchargement de la chaux. Derrière la chambre de combustion, en opposition à la façade du four, un talus de terre sert de dispositif de contention et de rampe d’accès à la plateforme sommitale par laquelle s’effectuait le chargement du calcaire à réduire.
Le four – façade, murs latéraux, chambre de combustion – a été majoritairement parementé en assises réglées, sans régularité (opus incertum), de moellons en calcaire montés en panneresse et liés au mortier de chaux. Dans le détail, on s’aperçoit que la qualité et la taille des moellons varient tous les 8 à 10 assises, indiquant un approvisionnement et un remploi de matériaux issus sans doute de plusieurs édifices démantelés (photo 8). Les angles sont en revanche chainés en bel appareil calcaire (photo 9).
La voute de l’entrée en façade est réalisée en plein cintre et met en œuvre des voussoirs composites, intégrant différentes tailles de moellons (photo 10). A l’intérieur du tunnel, l’intrados de la voute en berceau a conservé, dans le mortier coulé, les empreintes des planches de coffrage qui ont servi à sa construction. Si la majeure partie du mur de fond est construite en moellons calcaire, l’encadrement de la trappe est lui réalisé en briques réfractaires.
Au niveau des deux accès latéraux, des monolithes de calcaire sont utilisés en linteaux au-dessus des portes de déchargement (photo 11). L’encadrement des deux portes a été réalisé avec des bandages métalliques de roues de chariots formant des arceaux en plein cintre (photo 12).
De grandes dalles devaient également servir de couverture en s’engageant de quelques centimètres dans les murs latéraux et en reposant sur une assise de réglage en moellons calcaire. Ces dalles servaient également à supporter le remblai de terre formant la plateforme de chargement. Les piédroits de ces deux accès conservent la trace des linteaux en monolithe de calcaire engagés dans la maçonnerie, et récupérés après l’abandon du four.
La sole a conservée sa grille métallique qui a été fabriquée avec des tronçons de rails de chemin de fer et des bandages de roues de chariot recyclés (photo 13). Celle-ci supportait un lit de moellons en calcaire grossiers, recouverts d’une épaisse couche d’argile cuite (rubéfiée) par les chauffes successives (photo 14).
A son affleurement au niveau du sol de la plateforme de chargement, le sommet de la maçonnerie de la chambre de combustion est coiffé par un solin en plaque de schiste.